Potosi

Avec ses 160 000 habitants et son emplacement à plus de 4000 m d’altitude, Potosi a aujourd'hui le titre de ville d’importance la plus haute du monde. Gare au froid et au mal des montagnes ! Mais maintenant nous sommes habitués aux deux ! Un petit 4° au réveil à l’intérieur du camping-car nous a permis sans le vouloir de battre notre record !! Malgré la fraîcheur des soirées et des nuits, les journées elles, sont merveilleusement ensoleillées et l’on passe vite du polaire au tee-shirt !

 

Potosi est une ville agréable, à taille humaine, dans laquelle il fait bon déambuler à travers ses rues pavées, à la découvertes de ses églises, de ses édifices coloniaux, de ces maisons qui rappellent sa grandeur d’antan…

 

 

… et quelle grandeur ! Ne dit-on pas d’une chose inestimable qu’elle doit “valoir un Potosi”, expression que Cervantès fait dire à son héros Don Quichotte? Et de façon plus large, l’expression “c’est le Pérou” faisant directement référence à Potosi et ses mines d’argent qui à l’époque appartenaient à la vice-royauté du Pérou… L’histoire de Potosi est en effet liée au gisement d’argent le plus fabuleux de tous les temps : l’équivalent de 50 milliards de dollars entre le 16ème et le 19ème siècle ! Pour l’époque, imaginez ! Voilà comment est né le capitalisme en Europe ! On dit que la mine aurait produit suffisamment d’argent pour paver une route à deux voies entre Potosi et Madrid ! Charles Quint éleva même Potosi au rang de ville impériale avec comme devise: “Je suis la riche Potosi, le trésor du monde, la reine des montagnes et la convoitise des rois.” Rien que ça ! Mais il est vrai qu’à la fin du 16ème siècle, Potosi avec ses 160 000 habitants était plus importante que Paris ou Londres !

Pourtant la découverte des richesses de cette montagne n’est pas due au Espagnols mais elle fut faite dès le début du 16ème par les Indiens. Seulement, l’histoire dit que lorsque ces derniers voulurent commencer son exploitation ils entendirent une voix étrange leur dire en quechua: “ Ceci n’est pas pour vous. Ces richesses, Dieu les réserve pour ceux qui viennent de plus loin”… ils s’enfuirent effrayés et aucun ne retenta l’expérience… jusqu’à ce que les Espagnols arrivent! L’exploitation dura 3 siècles jusqu’à ce que les filons d’argent commencent à s’épuiser et que l’on en découvre ailleurs, au Pérou et au Mexique notamment… La ville tombe alors en décadence et voit sa population chuter jusqu’à 10000 habitants au milieu du 19ème. La découverte et l’exploitation de l’étain relancèrent un temps son économie jusqu’à ce qu’à nouveau leur exploitation ne devienne plus rentable…

Impossible donc de ne pas aller voir à l’intérieur de ce fameux Cerro Rico (la “montagne riche” comme la surnommèrent les Espagnols) qui s’élève fièrement au-dessus de Potosi. Pour plus de sécurité il vaut mieux passer par une agence qui vous propose une visite avec un guide professionnel qui connaît bien les lieux. C’est que cette montagne est plus trouée qu’un vieux gruyère ! Il y eut jusqu’à 10 000 galeries et quelques milliers d’entrée ! Aujourd’hui il y en a beaucoup moins mais tout de même, les séquelles de l’exploitation intense des siècles précédents sont là… et les accidents trop nombreux. L’agence vous prête une tenue style K-way pour vous protéger entièrement ainsi que des bottes, un casque et une lampe frontale !

La première étape est celle du marché aux mineurs où l’on achète quelques offrandes à faire aux mineurs que l’on croisera à l’intérieur: cigarettes artisanales, sodas, feuilles de coca, alcool à 96°… oui à 96° ! presque complètement pur pour porter chance et extraire de l’argent d’une rare pureté ! Toutes ces petites choses que les mineurs ont l’habitude de consommer avant d’entrer dans la mine et pendant leur travail… afin de se donner du courage, de moins sentir la faim et la fatigue. Car bien sûr c’est un travail épuisant.

C’est pour mieux se rendre compte de leurs conditions de travail qu’il est très instructif de faire ce genre de visite, non pas par voyeurisme bien que parfois on se sente très mal à l’aise. C’est Germinal au 21ème siècle. Et encore nous n’y avons passé que 2 heures et dans des galeries peu profondes. On patauge dans la boue en permanence, courbé la plupart du temps en faisant bien attention d’éviter les trous parfois profonds de quelques dizaines de mètres, de se caler contre la paroi quand arrive un wagonnet chargé de centaines de kg de minerai si on ne veut pas qu’il nous écrabouille les pieds, de ne pas se cogner la tête, de ne pas rester longtemps en-dessous des trous du “plafond” rebouchés avec des cailloux, surtout quand il y a des explosions car ça peut retomber ! d’ailleurs à la suite d’explosions quand les murs tremblent de partout, qu’il n’y a pas un mineur autour et qu’on ne sait même pas par où est la sortie on se dit qu’il faut quand même avoir une confiance aveugle en son guide et qu’il ne faudrait pas que ce dernier fasse un infarctus ! Bref pas rassurés du tout dans cette mine !

 

Les mineurs rencontrés ne sont pas très enjoués à l’idée de papoter avec le touriste venu en nombre pour le photographier et on le comprend facilement, ils réclament feuilles de coca et autres présents et s’en retournent vite à leur besogne. C’est qu’ici plus qu’ailleurs “le temps c’est de l’argent”…  Les mineurs ne touchent pas le même salaire en fonction de la tâche qu’ils occupent: pelleteur, pousseur de wagonnet etc… Les perforateurs sont les mieux payés car les plus exposés aux poussières nocives (20€ de l’heure) mais leur espérance de vie ne dépasse pas 45 ans.

Pendant les 3 siècles d’exploitation intense on estime à 6 millions de morts parmi les Indiens et les Noirs importés d’Afrique pour travailler dans les mines… Aujourd’hui la mine n’est plus exploitée par l’Etat faute de rendement suffisant. Mais ce dernier a vivement encouragé les mineurs licenciés à continuer à travailler en se regroupant en coopératives privées. Ils sont donc 6000 mineurs aujourd’hui à travailler “volontairement” si l’on peut dire, dans le Cerro Rico. Mais peu d’entre eux souhaitent que leurs enfants y travaillent aussi plus tard, malheureusement c’est parfois le cas faute d’autre choix, et les jeunes peuvent commencer à y travailler dès 14 ans s’ils ont l’accord de leurs parents… Les femmes, elles, ne sont pas autorisées à travailler à l’intérieur des mines. Il n’est pas rare de les voir à l’extérieur pour trier les pierres.

2 fois par semaine, les mardis et vendredis, les mineurs rendent visite à El Tio. C’est une statue représentant une sorte de diable, il y en a beaucoup parmi ces galeries, une à chaque niveau au moins. Les mineurs lui font des offrandes qu’il reçoit à bras ouvert: cigarettes, feuilles de coca et alcool afin que la Pachamama leur laisse exploiter ses richesses sans se mettre en colère…

Cette visite restera à jamais gravée dans nos esprits. Merci à nos 2 guides très sympathiques qui nous ont donné des explications très intéressantes.

Autre visite incontournable à Potosi pour rester dans le thème de l’argent, celle de la Casa de la Moneda. Immense bâtiment civil colonial qui occupe tout un pâté de maison (une cuadra comme on dit ici!), c’est LE plus grand de l’Amérique toute entière ! Oui à Potosi on a longtemps fait dans la démesure ! Le mascaron (masque) devenu emblème de la ville et qui se trouve à l’entrée du bâtiment, à l’air d’en rire ! c’est qu’on ne connaît toujours pas sa vraie signification…

La visite est guidée à travers les grandes pièces de ce superbe bâtiment. On y découvre les différentes manières de frapper la monnaie pour les colonies espagnoles. Tout est d’origine : des énormes roues anciennement entraînées par des mules jusqu’aux machines à vapeur qui prirent la relève.

On y trouve toutes les sortes de pièces qui ont été frappées ici depuis le début; ainsi qu’une grande collection de meubles, de pièces archéologiques et de tableaux comme cette superbe toile qui représente la Vierge Marie en Pachamama avec pour robe le Cerro Rico orné de ses nombreuse et riches galeries, la dualité lune/soleil, Indiens/Espagnols… Un tableau qui résume à lui seul la trinité de l’histoire bolivienne : les mines, la religion et la Pachamama.

Comments

[le chat]

Je voit qu'ils ont repris l'artisanat, ils ont remis un âne sur la roue lol. Gros bisous a tous les trois.

[tatie]

Et on râle que le SMIC c'est pas assez !!!!
Que le Français est heureux...sécu,chômage,CAF,35 heures,retraite,RTT,etc...
Merci de nous faire découvrir de nouveaux horizons.
big biz à vous 3 et à votre compagnon à 4 pattes

tatie

[annick]

Toujours intéressant de te lire Elodie ! Et je me dis que c'est bientôt terminer! La visite de la mine apparement très impressionnant ! Bonne continuation:) Bisous

[Virginie]

Vraiment passionnant ce commentaire ! Mon amie Agnès (qui a parcouru pendant 3 mois l'Amérique latine en solitaire, sac à dos) (pas comme moi, qui suis une routarde de luxe)a fait la même visite que vous à Potosi;pathétique et émouvant, les mineurs. Et l'idole qui veut des cigarettes et de l'alcool, même chose au Guatemala. Ah.. la Bolivie me tente ! Merci de ce beau message